Publié le 27.07.2021 par Amnesty International
Dans le sud de l’Angola, la vie de millions de personnes est menacée à cause de la sécheresse. Déplacements de population, malnutritions et pauvreté : voici les conséquences dévastatrices du dérèglement climatique.
Dans le sud de l’Angola, des millions de personnes sont au bord de l’inanition. Elles sont victimes à la fois des effets dévastateurs du dérèglement climatique et de l’affectation de terres à l’élevage commercial de bétail.
La création d’élevages commerciaux de bétail sur des terres communautaires ont chassé des populations pastorales de leurs terres depuis la fin de la guerre civile, en 2002. Ainsi, une grande partie de la population s’est retrouvée en situation d’insécurité alimentaire, ce qui a ouvert la voie à une crise humanitaire dans la mesure où la sécheresse aiguë persiste depuis plus de trois ans. La pénurie d’eau et de nourriture ne fait que s’accentuer, obligeant des milliers de personnes à fuir vers la Namibie voisine.
Pour survivre, la fuite vers la Namibie
Les populations des provinces de Cunene et de Huíla sont frappées de plein fouet par la sécheresse persistante. La saison des pluies 2020-2021 ayant été anormalement sèche, il est probable que la situation empire grandement dans les mois à venir. Cette sécheresse est la pire depuis 40 ans.
Elle a rendu la vie des communautés pastorales traditionnelles très difficile et la faim a conduit des milliers de personnes à traverser la frontière avec la Namibie depuis le début de mars 2021.
En mai 2021, des ONG angolaises ont rapporté que plus de 7 000 Angolais, principalement des jeunes et des femmes avec enfants, avaient fui vers la Namibie. Un nombre de « déplacés climatiques » qui ne cesse d’augmenter.
Le manque de ressources et la sécheresse poussent ces personnes à migrer dans une tentative désespérée de survivre. Un phénomène qui n’est pas près de s’améliorer car, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), « l’intensité des sécheresses continueront d’augmenter, en particulier dans le bassin méditerranéen et en Afrique australe ».
L’occupation des terres
La situation dans les provinces de Huíla et de Cunene était déjà précaire avant la sécheresse. L’insécurité alimentaire s’est aggravée en partie à cause de l’affectation de pâturages communautaires à des exploitations commerciales. Ce mouvement s’est amorcé après la guerre civile, il y a une vingtaine d’années. En 2019, nous avons révélé que l’État angolais avait attribué des pâturages communautaires à Gambos à des éleveurs commerciaux de bétail en dehors de toute procédure régulière.
Selon les autorités, 67 % des pâturages de la commune sont occupés par ces éleveurs. Dans notre rapport de 2019, nous avons également mis en évidence que l’occupation des terres les plus fertiles par des éleveurs commerciaux de bétail empêchait l’accès à des pâturages de qualité et sapait ainsi la résilience économique et sociale des communautés pastorales. Conséquence directe ? Cela réduisait leur capacité à produire de la nourriture et à survivre aux sécheresses.
Les effets du changement climatique sur la faim
Les femmes sont en première ligne face aux risques causés par le dérèglement climatique, qui a un impact disproportionné sur certains groupes de personnes plus exposées ou vulnérables. Lors de notre enquête réalisée en 2018 et 2019, nous avons constaté les difficultés à produire des aliments par soi-même et les conséquences directes sur les femmes, qui labourent les terres, parcourent de longues distances pour vendre du feu de bois et s’occupent des enfants ou des malades.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a constaté que, sous l’effet direct de la sécheresse, la malnutrition avait atteint un pic et l’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène était de plus en plus précaire, ce qui se répercutait sur la santé et la nutrition des populations locales.
En mai 2021, il a estimé à six millions le nombre de personnes sous-alimentées en Angola, la prévalence de l’insécurité alimentaire étant la plus élevée dans le sud du pays. Il a également indiqué que plus de 15 millions de personnes avaient recours à des stratégies de crise ou d’urgence fondées sur les moyens d’existence, comme l’utilisation de l’épargne ou la réduction des dépenses non alimentaires.
La situation dans le sud de l’Angola nous rappelle cruellement que le changement climatique cause déjà des souffrances et des décès.
Nos demandes
La communauté internationale, en particulier les États les plus riches qui portent la plus grande responsabilité dans la crise climatique doivent réduire de toute urgence leurs émissions de gaz à effet de serre, pour remplir leurs obligations en matière de droits humains.
Il faut que l’État angolais cesse de déposséder les communautés traditionnelles de leurs terres, prenne des mesures immédiates pour lutter contre l’insécurité alimentaire, et veille à ce que les populations concernées obtiennent réparation.
Nous appelons également les autorités angolaises et la communauté internationale à renforcer les interventions de secours, y compris à fournir une aide alimentaire d’urgence soutenue et régulière et un accès à de l’eau salubre pour la consommation et l’usage domestique dans les zones rurales des provinces de Cunene et de Huíla.
Populations pastorales dans la province de Huîla © BwalaMidia